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Rencontre avec Rahul Bharti, chamane et guérisseur

Rahul Bharti est un chaman et guérisseur indien au parcours pour le moins singulier. C’est dans sa prime jeunesse, alors qu’il est adopté par un couple Suisse, qu’il découvre l’art de la guérison en Thaïlande. Son père l’autorise alors à arrêter l’école à l’âge de 7 ans pour se consacrer à l’apprentissage du massage. Très vite, il touche un niveau de guérison remarquable chez ses patients et se sent appelé par le monde de l’énergie. Il part alors au Sri Lanka à l’âge de 9 ans pour y débuter son initiation de chaman.

Propos recueillis par Sahra Leclerc, avec l’aimable participation de Michèle Decoust.

Esprit Yoga : Comment rencontre-t-on la voie chamanique à seulement 9 ans ?

Rahul Bharti : En 1979, mon père m’emmena à Colombo au Sri Lanka. Je l’avais convaincu que je devais poursuivre mon apprentissage de guérisseur, et mon père était si formidable qu’il me permit de réaliser qui je devais vraiment être… Quand bien même cela allait à l’encontre de toutes les idées qu’on se fait sur l’éducation d’un jeune garçon. Mais nous ne connaissions pas de guérisseur en particulier au Sri Lanka. Vint alors un jour, en me promenant sur la plage, où je rencontrai un jeune garçon totalement nu. Et puis, je le vis à nouveau un autre jour. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que nos échanges de regards deviennent si forts, qu’il finit par me demander de le suivre. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré une famille de locaux, des gitans. Ils vivaient dans un camp d’environ 200 tipis et changeaient sans cesse de lieu. Mon père accepta que je partage leur quotidien et après 6 mois à apprendre leurs méthodes de guérison auprès du chef, ils décidèrent de m’envoyer auprès du grand patriarche, au cœur de la forêt.

EY : Est-ce à ce moment-là que vous vous êtes engagé dans la voie chamanique ?

RB : Le terme « chaman » est très utilisé par les Occidentaux. Mais le vrai chaman dit rarement qu’il en est un. D’ailleurs, il n’a pas besoin de le dire. Alors je ne sais pas si je suis devenu un « chaman » au sens où vous l’entendez (sourire).

EY : Je comprends, mais justement, puisque nous avons, ici en France, une vision édulcorée de ce qu’est un chaman, pouvez-vous nous expliquer vraiment ce que c’est ?

RB : Il faut comprendre que les chamans vivent dans un monde sans « label », avec peu de catégories ou d’idées fixes. Par exemple, dans ce village, personne ne parle de lui en disant « je ». Ce pronom n’existe pas. On dit « nous » pour signifier les phénomènes de la vie. De la même manière, tous les hommes sont appelés « père » par les enfants. La raison est simple : les femmes n’appartiennent à personne et n’ont aucun compte à rendre sur leurs relations intimes. Aussi, tous les hommes sont potentiellement les pères des enfants. Et cette absence d’identification est acceptée par tout le monde car l’histoire personnelle n’a finalement que peu d’importance. Seule la vie, tous ensemble, en harmonie avec la nature et l’univers, importe. Donc finalement, les femmes comme les hommes sont des chamans à leur manière, car tous cultivent cet art de vivre en lien avec le vivant, dans le respect des grandes lois de l’univers. C’est un mode de vie en symbiose.

Alors, si nous devons le définir, le chaman est celui qui n’a plus besoin de coller des étiquettes, aux autres, comme à lui-même. Il ne ressent pas le besoin de s’identifier comme « chaman ». Il a la maitrise du langage des plantes, des arbres, des animaux… Il sait comment notre esprit fonctionne au coeur de la Nature, comment on peut se servir des ressources de la Nature pour soigner, car c’est elle qui est le plus grand guérisseur. C’est ce que j’ai appris durant ces deux années dans la forêt.

EY : Comment avez-vous poursuivi votre apprentissage par la suite ?

RB : J’ai retrouvé mon père à Colombo et nous sommes partis vivre au Kerala afin que j’y étudie les traditions védiques. Cette sagesse est la racine de toutes les sciences et de toutes les médecines que l’on connaît aujourd’hui. J’y ai appris, entre autre, l’art de guérir par les plantes médicinales fraiches. Juste après, nous sommes retournés en Thaïlande et mon apprentissage a atteint un niveau plus subtil en apprenant la communication télépathique auprès d’un maître. Enfin, je suis allé approfondir mes capacités auprès d’autres cultures chamaniques, notamment auprès des aborigènes d’Australie et du Canada.

EY : Les cultures aborigènes ont-elles toutes la même approche de la guérison ?

RB : Oui, seule la langue est différente. Les comportements, la connexion à la nature est la même, tout autant que l’amour inconditionnel pour le vivant dans son ensemble et les éléments qui sont à la source de la vie. Dans ces cultures, on peut retrouver les mêmes pratiques.

EY : Auriez-vous un exemple de pratique commune à toutes ces cultures ?

RB : Oui. Par exemple, quand nous allons mal, une manière de guérir que j’ai observé partout est de s’allonger sur la terre au cœur de la forêt, puis aller se rincer dans l’eau vive d’un ruisseau.

EY : Aujourd’hui vous vivez au Népal et exercez en tant que guérisseur mais aussi en tant qu’enseignant. Comment utilisez-vous toutes ces expériences pour guérir une personne malade, que ce soit une maladie du corps ou un déséquilibre plus subtil ?

RB : La porte d’entrée est souvent le massage. Disons que le massage permet d’harmoniser l’énergie des personnes qui viennent à moi, mais vient un moment où je vais plus en profondeur. Je peux aussi guérir à distance en me connectant directement à l’énergie de la personne malade.

EY : Utilisez-vous des techniques tantriques, non pas au sens où nous l’entendons ici (souvent associées à la nudité et la sexualité), mais dans son sens authentique ?

RB : Oui, en tant que thérapeute, mon travail de guérison passe à travers l’énergie sexuelle mais cela n’a rien à voir avec la sexualité. Il ne s’agit ni de désir ni de sensation, mais bien d’amour. Je peux offrir la sensation d’amour et de joie à différentes parties d’un être, celles qui en ont besoin. Le tantrisme fait souvent l’objet de fantasme en Occident, mais il s’agit véritablement d’une énergie de vie très puissante, semblable à l’amour inconditionnel. Elle permet de conduire la guérison à la racine du problème. Il y a une notion de pureté qui est associée à cette pratique. Les tribus aborigènes s’en servent également et en aucun cas, cela implique de la sensualité ou de la sexualité.

EY : Est-ce que tout le monde peut guérir par votre aide ?

RB : Je suis « Amrit », ce qui signifie l’antidote et je l’offre au patient. Celui qui utilise cet antidote à bon escient devient alors son propre guérisseur. Sans bon patient, pas de bon guérisseur. Les deux forment une unité pour aboutir à la guérison. Bien sûr, la foi entre en jeu dans le processus de guérison. Et si le patient refuse de voir ce que nous pouvons mettre en lumière chez lui, alors cela peut coincer. Il ne m’est pas possible de soigner sans le consentement du patient. Il me faut être autorisé à entrer dans son « monde » énergétique.

EY : Vous venez en Europe régulièrement donner des enseignements, et vous l’avez remarqué, nous souffrons de nombreux maux dits modernes : stress, dépression, burn-out, anxiété, solitude, surmenage, maladies chroniques… Comment interprétez-vous ces souffrances modernes ?

RB : Le problème principal est que les gens ont perdu la communication à leurs racines profondes, celles qui nous relient à la terre et à la nature. Nous sommes la nature et nous en sommes coupés, que reste-t-il dans ce cas ? Le mental prend le dessus car l’ancrage est vide. Tout se passe dans la tête des gens et plus rien n’est en mouvement dans le corps. Mais il n’y a personne à blâmer pour cela ! Les gens ont pris des habitudes de vie très néfastes pour eux-mêmes et ne s’en rendent même pas compte car cette tendance s’est généralisée. Le cerveau est sur-stimulé par la vie moderne et c’est pour cela que les gens tombent malade. Le manque de connaissance du vivant fait également défaut. Un sagesse innée nous pousse toujours à retrouver l’harmonie et la santé. Mais dans le monde stressé, les gens sont coupés de cette sagesse et agissent contre eux-mêmes avec une mauvaise alimentation et des habitudes de vie inadaptées.

EY : Le mode de vie est-il le seul problème auquel nous nous confrontons en Occident ?

RB : Non, il y a un autre problème important. Il s’agit de l’attitude que nous avons face à la vie. La plupart des hommes et des femmes passent leur temps à se plaindre et à être dans la réaction, dans la lutte face aux évènements que la vie nous envoie. Mais si nous comprenions que même les épreuves difficiles de la vie doivent faire l’objet de gratitude, alors nous serions heureux plus souvent. D’ailleurs, nous traitons la nature de la manière dont nous interagissons avec la vie. Celui qui est tout le temps en colère pourra décimer des forêts sans conscience. Tout vient de l’intérieur. Votre vie est à l’image de votre attitude ! Changez d’attitude face à la vie, et la vie changera !

EY : Quels seraient vos conseils pour nous aider à guérir ? Que pouvons-nous déjà mettre en place quotidiennement pour nous harmoniser à la nature ?

RB : D’une manière générale, l’être humain doit vivre en accord avec les lois de la nature. Cela commence par dormir assez. Le corps a besoin de 8 heures de sommeil pour accumuler suffisamment de Qi (énergie) pour tenir 16 heures éveillées. Quand on manque de Qi, le foie se détériore et la dépression arrive. Ensuite, il y a des habitudes à changer. Quand on rentre chez soi, on enlève ses vêtements de la journée, on se douche pour évacuer les tensions et on cesse de regarder les écrans dès 18 heures. Alors, on se consacre à des activités calmes et à la nature (balade, jardinage, animaux de compagnie…). Le repas du soir ne doit comporter ni alcool, ni viande, ni sucre rapide. Les meilleurs légumes pour le soir sont les asperges, les épinards et les brocolis à la vapeur. En mangeant ce diner, on permet au système digestif de se purifier et à l’esprit d’être plus clair au réveil. Il faudrait être plus près du vivant et moins en lien avec les appareils électroniques.

Quelqu’un qui veut vraiment aller mieux, et même totalement guérir, doit commencer par changer ses habitudes de vie. Sinon, tout finira par revenir. On se guérit soi-même, le guérisseur, lui, est là pour donner des outils que le patient avait oubliés. Plus on se rapproche de la nature, plus ces capacités de guérison reviennent de manière innée en nous. La Nature nous montre juste ce que nous devons devenir à l’intérieur de nous, comment opère une vraie communauté, comment elle s’harmonise. Les arbres se touchent, de branche en branche, mais ils ne se plaignent pas, ne jugent pas… Or nous sommes comme l’arbre…Guérir ses racines, sa famille, son environnement, remercier pour ce que l’on a, ainsi commence le changement et la guérison.

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