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Actualités, Lifestyle & Spiritualité

Notre addiction au confort (et comment s’en débarrasser)

Rester dans sa zone de confort est facile. Mais si on accepte d’en tester les limites, de s’aventurer en dehors de cette zone, d’infinies nouvelles possibilités s’ouvrent à nous.

une fleur avec les pétales qui s'envolent

L’année dernière, à l’âge de 39 ans, j’ai enfin pris mon courage à deux mains et je me suis inscrite à l’école de conduite en bas de ma rue. Cela faisait quelques années que je me disais que ce serait bien quand même d’avoir de l’autonomie et avec la plus grande fierté j’ai passé la porte de l’école et je me suis inscrite. Enfin une action, enfin du courage, à moi la liberté ! Un an plus tard, j’ai à moitié ouvert le livre de code, je ne suis allée à aucune séance, et je n’ai jamais ouvert la session de pratique virtuelle sur leur site. Je me suis dit pendant un an qu’il faudrait que je sois sérieuse, que je me garde ne serait-ce que trente minutes par jour pour apprendre, voire m’entraîner, mais en réalité je trouvais toujours mieux à faire. Des choses plus importantes, plus urgentes, plus sympas…

Rester dans sa zone de confort est tellement plus facile, n’est-ce pas ? Choisir le canapé et Netflix au lieu du code de la route, choisir la glace à la vanille au lieu du silence, de la respiration et d’un repas nourrissant après une journée difficile… Le confort, c’est notre mental qui le choisit, et il arrive à nous convaincre sans trop de difficulté. C’est une sorte de « mode par défaut » qui nous paraît plus facile, plus doux, que l’effort de la conscience.

Le confort comme remède

Et c’est ici toute la définition de l’addiction. Que ce soit la drogue, l’alcool, la cigarette, la nourriture, le shopping, le sport, Netflix… l’addiction au confort de ce que l’on connaît devient le remède le plus facile à un ennui, à un problème, à un besoin perçu, à une souffrance. Sauf qu’au final, l’addiction est nocive pour nous et pour les personnes autour de nous. Et nous le savons, au fond, très bien. Après une dure journée, succomber à la glace à la vanille nous réconforte pendant quinze minutes maximum. Puis l’énervement de la journée nous revient, avec le bonus du pic de sucre, et un corps qui n’est pas nourri. On se sent lourd, léthargique et inconfortable.

Au sein d’une société de plus en plus régie par la recherche du plaisir et du confort, il est très facile de se retrouver dans une addiction à la dopamine (l’hormone du plaisir immédiat) qui inonde le cerveau à travers la gratification instantanée des likes, de la livraison en 24 h, de l’achat en un clic… des petits conforts qui nous laissent avec le besoin de toujours plus. Parce qu’en réalité nous ne sommes jamais réellement satisfaits avec ces shoots de dopamine. Nous voilà accro au confort. On perd ainsi très vite la notion de la gratification décalée, celle qui apparaît après l’effort, après la galère, après les difficultés, les échecs, les critiques. La gratification durable, acquise par un apprentissage lent et parfois ardu. Bien sûr, nous avons tous besoin d’un minimum de confort, de temps de repos, où notre système nerveux peut redescendre et nous pouvons nous renouveler, nous rafraîchir. Il s’agit moins de diaboliser le confort et plus d’apporter davantage d’honnêteté quant aux frontières de nos zones de confort et les usages que nous en faisons. Nous détendons-nous, ou nous échappons-nous ?

L’espace de la conscience

Entre la pensée et l’action, il y a un espace. Il peut nous faire peur parce que c’est à l’intérieur de cet espace que nous sommes confrontés à nous-mêmes. Il est tellement plus facile de ne pas s’y attarder, de foncer dans l’action, de s’installer dans le confort, loin de l’inconfort des sentiments difficiles, de nos peurs, nos insécurités, nos responsabilités. Pourtant, si on s’y attardait ne serait-ce qu’un court moment, on trouverait peut-être le courage d’explorer d’autres chemins qui nous soutiennent, nous nourrissent, nous épanouissent davantage. Et ainsi sortir des réflexes de facilité, pour aller vers des actions plus conscientes et qui ont du sens pour nous.

C’est cet espace de conscience que l’on cherche à développer dans notre pratique de yoga postural, ainsi que dans la méditation. Venir habiter l’espace entre expire et inspire. Observer, sans chercher à mettre de mots sur l’expérience, l’état de notre ego dans la posture. Percevoir, sans jugement, où notre mental nous incite à aller, et revenir au sein du moment actuel, à l’intérieur du corps du jour. Mais bien-sûr, on peut aussi être victime de l’addiction au confort à l’intérieur-même de notre pratique de yoga ! L’utiliser pour se cacher du monde extérieur, s’oublier dans des automatismes, revenir toujours aux postures qui nous plaisent… Le mental est très habile pour nous tendre des pièges à chaque instant.

Sur le fil

Notre pratique de yoga nous offre alors un terrain de jeu pour découvrir les frontières subtiles et mouvantes de notre zone de confort. Notre pratique nous révèle les tours que nous joue notre mental, en permanence. C’est sur le tapis que nous avons un espace d’honnêteté vis-à- vis de nous-mêmes, la possibilité de passer un moment sans se juger, simplement à être. Et c’est à l’intérieur de cet espace d’honnêteté que nous pouvons avoir cette curiosité envers notre zone de confort, et peut-être alors choisir un autre chemin.

Cette pratique, nous pouvons l’appliquer au domaine plus large de notre vie, au-delà du tapis. On peut la retrouver dans les petites pauses dans la journée, avant d’allumer la télé, avant d’ouvrir le congélateur, ou encore dans les dix minutes le matin en se levant avant de regarder son portable. On peut avoir accès à cet espace d’honnêteté à travers l’écriture, l’observation douce de la respiration, une tasse de thé bue en toute conscience, ou la pause prise avant de répondre à quelqu’un. Ce fil, cette frontière, ce début de fissure du cocon, nous pouvons nous en approcher pour mieux l’observer, tous les jours. Avec le courage de se placer au bord de notre zone de confort viennent les possibilités infinies, la perspective d’épanouissement, d’apprentissage sur soi, de grandissement. Si nous osons nous intéresser à nos zones d’inconfort avec la même honnêteté, la même curiosité, alors tout devient possible !

Le portail confort / inconfort

L’évolution, le changement et la croissance n’arrivent pas si l’on ne change rien. Si l’on désire la forme physique, on doit aussi accepter l’inconfort du froid de l’hiver pendant notre footing. Accueillir la monotonie de la régularité de la révision du code de la route, l’humilité du travail fait dans l’ombre pour un nouveau projet, la consistance parfois très ennuyeuse de l’effort quotidien, sans gratification instantanée, vers une nouvelle vie. Accueillir avec honnêteté les choses que nous trouvons inconfortables, et choisir, dans cet espace de conscience, de les poursuivre quand même. C’est ici que la perle de la connaissance de soi se trouve. Quelque part sur le fil, entre confort et inconfort.

Montre-moi ton inconfort de prédilection, je te dirai qui tu es

Nos inconforts choisis en disent beaucoup plus sur nous que nos conforts. Plus nous connaissons nos zones d’inconfort, plus nous nous approchons du cœur de notre être, de ce qui est important pour nous, de nos valeurs, de nos rêves réalistes et authentiques. On veut tous une belle vie, être heureux, épanouis, atteindre nos rêves, réussir nos projets. Mais qui est prêt à accepter que le chemin pour y parvenir n’est pas celui que l’on voit dans les films ? À endurer les échecs, les doutes, les critiques ? À travailler la plupart du temps dans l’ombre, sans applaudissements, sans gloire Instagramable ? Bref, à accueillir l’inconfort qui précède le plus souvent l’éclosion de la beauté de la vie, la valeur des réussites ? Cet inconfort qui infuse notre vie d’humilité, d’humanité, de profonde transformation et de découverte intime de soi.

Au sein de l’inconfort, il y a bien sûr le risque, la possibilité d’échouer. Mais comparez donc avec les risques que comporte le fait de rester bien confortable, sans danger. À côté de quelles perles passerez-vous ? À côté de quelle vie ? Parce qu’au final, qu’est-ce que cette vie sinon la beauté de la vivre pleinement, avec toute sa magie, tous ses éléments d’inconnu, tous ses risques ? Cette vie brute, où l’on en sort grandi, un peu plus sage, un peu plus libre, un peu plus heureux. Vous me direz : et si je tombe ? Oui, mais… et si vous voliez ? Allez, je vous laisse, j’ai rendez-vous avec mon livre de code.

Cet article est issu du magazine Esprit Yoga n°66, disponible dans notre boutique en ligne.
 
Couverture Magazine Esprit Yoga N°66
 
Avec la précieuse contribution de Claire Brown

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