“Manger en pleine conscience, c’est sentir l’eau monter à la bouche” Ananda Ceballos

Ananda Ceballos est une contributrice régulière du magazine Esprit Yoga, très appréciée des lecteurs. Son livre “Manger mieux en pleine conscience” co-écrit avec Yaël Bloch a été publié aux Editions La Plage Découvrez dans cette interview qui se cache derrière la rubrique “Les perles d’Ananda”.

Par Céline Chadelat

Esprit Yoga : Ton prénom, (Ananda est un terme sanskrit qui signifie “félicité”), te destinais à la pratique du yoga …

Ananda Ceballos : Je suis née de parents professeurs de yoga. Autodidactes, ils ont découvert le yoga dans les années soixante et soixante-dix. Mes parents étaient très engagés sur le plan politique dans la lutte contre la dictature de Franco. Ce qui m’a le plus marquée dans leur transmission du yoga réside dans l’idée que le yoga est un puissant outil de transformation et un vecteur de libération personnelle. Après, j’ai voulu me construire ma propre idée de l’Inde et du yoga, me frayer mon propre chemin comme chercheuse, enseignante et formatrice.

EY : Quelle est  la qualité la plus importante d’un professeur de yoga selon toi ?

AC : L’honnêteté d’abord, vis-à-vis de ses compétences, c’est-à-dire avoir suivi une formation certifiante voir diplomante. Aujourd’hui, assurer une transmission et de qualité passe par un parcours de formation qui doit s’inscrire sur une certaine durée, à travers un processus de maturation et de développement personnels, pour ne pas rester dans la pure acquisition de « techniques ». Pour moi un professeur doit aussi orienter l’élève pour le rendre autonome dans sa pratique, afin qu’il découvre petit à petit que le vrai « maître » c’est son propre corps, comme disait Vanda Scaravelli.

EY :  Tu es l’initiatrice de YOOME, un projet innovant qui consiste à se nourrir tout en pratiquant la méditation pleine-conscience. Comment passe-t-on du yoga à la méditation ?

AC : Aujourd’hui, quand on parle de yoga on pense presque systématiquement au « yoga postural », physique, comme si la méditation était une pratique à part, différente. Mais la méditation est l’une des étapes naturelles de la pratique du yoga et constitue même son essence. Autrement dit, la « pleine conscience » n’a pas le monopole de la méditation.

EY : Faire découvrir l’art du repas en pratiquant la pleine-conscience, en quoi cela consiste ?

AC : A porter son attention au moment présent, sans jugement ni critique, pendant que l’on mange. Manger en pleine conscience, c’est sentir l’eau monter à la bouche et ses papilles frémir, entendre sa faim avant de s’installer à table, détecter les différents goûts et s’en délecter, jouir d’être rassasié après quelques bouchées… Manger en pleine conscience c’est aussi se relier en profondeur à ce que l’acte de manger signifie pour soi, en développant beaucoup de tendresse et de bienveillance envers soi-même. C’est aussi parfois (ré)apprendre à écouter les signaux de faim, de rassasiement et de satiété dont la perception est peut-être devenue difficile. Enfin, c’est est un chemin qui nous aide à apprendre à identifier la partie en nous qui a « faim », afin de nourrir nous besoins les plus efficacement possible.

EY : A quel public s’adresse le stage  « 8 semaines pour apprendre à manger en pleine conscience » ?

AC : Il s’adresse en général à toute personne qui veut se libérer du diktat des régimes, (re)trouver le plaisir de manger et une relation plus sereine avec la nourriture. Il est destiné en particulier aux personnes qui présentent un profil alimentaire chaotique (boulimie, anorexie, orthorexie..),  sujettes à une forte tendance à l’autocritique, qui ont du mal à faire face aux émotions difficiles ou qui le font en utilisant de manière systématique la nourriture comme « voie de secours ».

EY : Comment se déroule la pratique ?

AC : Pour approcher cette discipline en profondeur, l’idéal est de suivre le cycle Mindful Eating, Conscious Living, crée par le Dr. Jan Chozen Bays et Char Wilkins, auprès de qui je me suis formée. Ce programme se déroule sur huit semaines, à raison d’une rencontre de 2h30 par semaine, en groupe. Mais pour répondre aux diverses demandes et selon les objectifs de chaque personne,  j’ai conçu d’autres façon de pratiquer. Tous les an,s j’enseigne le cycle Mindful Eating de 8 semaines en résidentiel et sous une forme intensive. Je propose les ateliers « Manger sans m’aigrir© », une alternative courte au programme de 8 semaines pour s’initier aux concepts de base et pratiquer les exercices fondamentaux de l’alimentation consciente. Finalement, pour les personnes qui référèrent un suivi personnalisé, je les accompagne individuellement, soit dans mon cabinet soit à distance.

EY : Pour toi, que signifie être en paix ?

AC : Etre en paix consiste à ressentir un sentiment de quiétude accompagné de cette sensation vibrante d’être vivante. Mais je crois aussi qu’être en paix n’est pas nécessairement toujours « agréable ». Être en paix peut être aussi savoir reconnaître et être pleinement présente à ma vulnérabilité et pouvoir accepter mes blessures.